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Se financer

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Trouver un magot pour lancer son entreprise est toujours un dossier épineux. Commencer en tant qu’indépendant peut représenter des coûts très élevés selon les secteurs, surtout si l’on fait le choix de créer une société. Certains auront déjà prévu une belle liasse de billets sous leur matelas. D’autres plus démunis se retrouveront à racler leurs fonds de tiroirs.  

Le manque d’argent, c’est le quotidien d’Ahmed : « Ouvrir ma boulangerie à Schaerbeek a demandé un gros investissement financier que je n’avais pas. J’ai dû me battre pour trouver les fonds nécessaires ». Si le boulanger a pu finalement se constituer un capital de départ, il a rapidement dû faire face à des frais supplémentaires : régler le loyer mensuel, payer son employée, acheter les marchandises, … Jour après jour, les dépenses se multiplient et le compte en banque se vide, face à une clientèle qui a tardé à se manifester.

Tout ça, sans compter quelques imprévus et l’énergie folle qu’Ahmed met à l’ouvrage.

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« Etre indépendant, c’est l’enfer »

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Travail, travail, travail…

 

Installé derrière le comptoir, le boulanger est collé à son petit radiateur portable. Les longues journées de travail extensibles de 4h du matin jusqu’à 22h le soir s’accumulent, et les poches sous ses yeux sont là pour en témoigner.

C’est en connaissance de cause qu’Ahmed s’est lancé dans des heures interminables de dur labeur. Mais le plus difficile à admettre pour lui reste la maigre récompense octroyée par tant de travail. L’indépendance l’a davantage précipité vers la précarité puisqu‘il gagne moins d’argent qu’avec le chômage. « Être indépendant, sur le court terme, c’est l’enfer. C’est seulement sur le long terme que c’est viable, le temps d’amortir les coûts. »

L’oiseau de mauvaise augure avait déjà montré le bout de son bec alors qu’Ahmed cherchait à financer son entreprise, un véritable parcours du combattant.

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Trouver son magot, un dossier épineux

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Le parcours du combattant

 

Pour obtenir un crédit, le boulanger a d’abord sollicité les banques dites « traditionnelles ». Mais cette option n’a donné aucun résultat, alors que les banques représentent habituellement un chemin classique pour la capitalisation de n’importe quel business. Ahmed explique : « On ne fait pas confiance à un indépendant, c’est très difficile de trouver un crédit ». Encore plus difficile quand on sait qu’il n’a que des cacahuètes au compteur. Nous avons exposé sa situation aux gros cadors banquiers, et la réponse se voulait rationnelle :

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Rik Vandenberghe

« Les grandes entreprises n’ont clairement aucune difficulté à trouver de l’argent. Elles ont accès au marché des crédits, mais aussi au marché des capitaux. C’est plus compliqué pour les débutants et les toutes petites entreprises. Souvent, cela peut s’expliquer par le fait qu’ils sont un peu moins encadrés. Par exemple, une société qui commence n’a peut-être pas encore un comptable pour rendre compte, de façon claire, de son avenir financier », justifie Rik Vandenberghe, PDG d’ING Belgique.

Aucune zone d’ombre n’est permise dans le dossier alors. Mais lorsque l’on part de rien comme Ahmed, c’est impossible de prévoir toutes les embûches éventuelles.

Reste le recours au financement alternatif. Là, on pense tout de suite au fameux « crowdfunding » : un appel à l’aide auprès d’un large public. Il suffit de proposer un projet à la fois original et suffisamment réfléchi qui attirerait les financements d’un public fidèle, rallié sur les réseaux sociaux. Bref, tout ce qui ne convient pas pour la boulangerie du Noyer. Une boulangerie qui n’a, hélas, rien de vraiment original et qui n’a aucune vocation à être présente sur la toile.

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Didier Gosuin

Ahmed a plutôt eu recours aux microcrédits, c’est-à-dire de petits emprunts que n’accordent généralement pas les banques. En outre, ce genre d’initiative est encouragé par les pouvoirs publics : « Il y a aujourd’hui toute une série de petits projets qui ne nécessitent pas grand chose comme investissement »renchérit Didier Gosuin, ministre bruxellois de l’Emploi.

Malgré tout, il y a comme un cheveu dans la soupe. Pour un organisme de microfinancement tel que Microstart – par lequel Ahmed est passé – les taux d’intérêt s’élèvent à 10% pour un prêt de 10.000 euros. Et ça, sans oublier les 500 euros supplémentaires de frais de dossier. Le boulanger avait grogné à l’idée de déjà perdre autant de plumes à ce stade là du financement.

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Claire Oldenhove

« Ça peut paraitre un taux important mais il faut se rendre compte que Microstart prête de très petits montants sur de très petites durées et, en plus de ça, on a un modèle de structure privée à finalité sociale. Donc pour exister, on doit avoir des taux d’intérêt de ce niveau là pour couvrir nos frais de fonctionnement », relativise Claire Oldenhove, manager de l’agence bruxelloise de Microstart.

Si un taux à 10% peut en rebuter plus d’un, il ne faut pas perdre de vue que les organismes de microfinancement représentent « l’emprunt de la dernière chance ». Après un refus des banques, il n’y a pas 36 autres solutions. De plus, on parle bien ici de microcrédit. Les 10% à suppléer seront de maximum 1.500 euros, étant donné le plafond de 15.000 euros accordé par les différents organismes.

Au bout de toutes ces péripéties, Ahmed avait finalement trouvé son argent : 50.000 euros. D’abord, 10.000 euros de crédit empruntés à l’organisme Microstart , puis 24.000 euros du désormais défunt Fonds de participation. Ce n’était pas encore assez : il a fallu qu’Ahmed trouve 16.000 euros supplémentaires. Il avoue que sans le soutien de sa famille, « ça n’aurait pas été possible. »

Il lui restait alors à correctement investir cette somme. Sauf que le boulanger ne s’attendait probablement pas aux tuiles qui allaient lui tomber dessus, lorsqu’il a ouvert les portes de son atelier.

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Financement-slide4 photo arrière boutique

Financement slide 5 – explications

50.000 euros pour … ?

 

Des fours inaccessibles, des étalages à l’abandon, des cartons qui s’entassent sur le sol … la scène est étrange. Nous ne sommes pourtant pas bien loin de la vitrine remplie de tartes appétissantes, à l’entrée de la boulangerie. Nous sommes dans l’arrière-boutique, dans l’atelier de l’artisan : un atelier inutilisable. Ce n’est pas ici que les petits pains et les pâtisseries sont préparés. Ahmed achète auprès d’autres fournisseurs et revend sa marchandise, car il ne peut pas produire dans son atelier. Pourtant, ce dernier a fait l’objet d’un énorme investissement.

Ce tas d’objets amassés et ces machines inutilisées constituent le fonds de commerce du boulanger. Un fonds qui représente justement la somme de 50.000 euros qu’il a dû débloquer pour acheter les éléments « corporels » de sa boulangerie. Pour le moment, ses efforts sont vains, car le permis d’environnement de l’atelier a expiré. Pas de chance pour Ahmed : cet atelier fait justement partie de la liste des 200 installations, pour lesquelles il est obligatoire d’avoir ce permis. Sans celui-ci, impossible de faire tourner le commerce. Ceci explique pourquoi l’artisan doit faire appel à des fournisseurs, pour le moment.

 

Se financer est véritablement une épreuve de taille. On y constate le plus d’inégalités, le plus de restrictions à l’accès vers l’entrepreneuriat. Sans fonds propres et sans perspectives d’avenir stables, les banques vous claqueront simplement la porte au nez. Mais il ne suffit pas d’avoir de l’argent, il faut aussi être capable d’anticiper les coûts et les éventuels imprévus comme ceux rencontrés par Ahmed. Tout ça est généralement le fruit d’une préparation de longue haleine, à faire lors du lancement du projet.