Le parcours du combattant
Pour obtenir un crédit, le boulanger a d’abord sollicité les banques dites « traditionnelles ». Mais cette option n’a donné aucun résultat, alors que les banques représentent habituellement un chemin classique pour la capitalisation de n’importe quel business. Ahmed explique : « On ne fait pas confiance à un indépendant, c’est très difficile de trouver un crédit ». Encore plus difficile quand on sait qu’il n’a que des cacahuètes au compteur. Nous avons exposé sa situation aux gros cadors banquiers, et la réponse se voulait rationnelle :
Rik Vandenberghe
« Les grandes entreprises n’ont clairement aucune difficulté à trouver de l’argent. Elles ont accès au marché des crédits, mais aussi au marché des capitaux. C’est plus compliqué pour les débutants et les toutes petites entreprises. Souvent, cela peut s’expliquer par le fait qu’ils sont un peu moins encadrés. Par exemple, une société qui commence n’a peut-être pas encore un comptable pour rendre compte, de façon claire, de son avenir financier », justifie Rik Vandenberghe, PDG d’ING Belgique.
Aucune zone d’ombre n’est permise dans le dossier alors. Mais lorsque l’on part de rien comme Ahmed, c’est impossible de prévoir toutes les embûches éventuelles.
Reste le recours au financement alternatif. Là, on pense tout de suite au fameux « crowdfunding » : un appel à l’aide auprès d’un large public. Il suffit de proposer un projet à la fois original et suffisamment réfléchi qui attirerait les financements d’un public fidèle, rallié sur les réseaux sociaux. Bref, tout ce qui ne convient pas pour la boulangerie du Noyer. Une boulangerie qui n’a, hélas, rien de vraiment original et qui n’a aucune vocation à être présente sur la toile.
Didier Gosuin
Ahmed a plutôt eu recours aux microcrédits, c’est-à-dire de petits emprunts que n’accordent généralement pas les banques. En outre, ce genre d’initiative est encouragé par les pouvoirs publics : « Il y a aujourd’hui toute une série de petits projets qui ne nécessitent pas grand chose comme investissement », renchérit Didier Gosuin, ministre bruxellois de l’Emploi.
Malgré tout, il y a comme un cheveu dans la soupe. Pour un organisme de microfinancement tel que Microstart – par lequel Ahmed est passé – les taux d’intérêt s’élèvent à 10% pour un prêt de 10.000 euros. Et ça, sans oublier les 500 euros supplémentaires de frais de dossier. Le boulanger avait grogné à l’idée de déjà perdre autant de plumes à ce stade là du financement.
Claire Oldenhove
« Ça peut paraitre un taux important mais il faut se rendre compte que Microstart prête de très petits montants sur de très petites durées et, en plus de ça, on a un modèle de structure privée à finalité sociale. Donc pour exister, on doit avoir des taux d’intérêt de ce niveau là pour couvrir nos frais de fonctionnement », relativise Claire Oldenhove, manager de l’agence bruxelloise de Microstart.
Si un taux à 10% peut en rebuter plus d’un, il ne faut pas perdre de vue que les organismes de microfinancement représentent « l’emprunt de la dernière chance ». Après un refus des banques, il n’y a pas 36 autres solutions. De plus, on parle bien ici de microcrédit. Les 10% à suppléer seront de maximum 1.500 euros, étant donné le plafond de 15.000 euros accordé par les différents organismes.
Au bout de toutes ces péripéties, Ahmed avait finalement trouvé son argent : 50.000 euros. D’abord, 10.000 euros de crédit empruntés à l’organisme Microstart , puis 24.000 euros du désormais défunt Fonds de participation. Ce n’était pas encore assez : il a fallu qu’Ahmed trouve 16.000 euros supplémentaires. Il avoue que sans le soutien de sa famille, « ça n’aurait pas été possible. »
Il lui restait alors à correctement investir cette somme. Sauf que le boulanger ne s’attendait probablement pas aux tuiles qui allaient lui tomber dessus, lorsqu’il a ouvert les portes de son atelier.